Les managers, pilotes de la QVT

Y a-t-il (encore) un pilote dans l’avion ?

A l’heure où l’on réfléchit beaucoup à la libération des entreprises, à la diminution des strates managériales, à l’intensification de la collaboration et de la participation des équipes aux décisions, voire à des méthodes de gestion de projet qui donnent l’exclusivité à « l’expérience client », qu’en est-il du pilotage du bien-être au travail ? Qui sont ceux qui prennent encore soin des salariés, si ceux-ci se trouvent libérés des N+1 ou livrés à eux-mêmes ; mieux encore que se passe-t-il quand ils se retrouvent seuls face aux desiderata des clients ?

Ces questions, elles nous sont posées chaque jour par des managers pris dans une tension : le désir réel de faire évoluer, voire de révolutionner les rapports au travail ; et le constat d’un échec dans la relation humaine, dans la résolution des conflits ou des différends entre collègues. Dans cette tension, le territoire du manager semble devoir reculer sur tous les fronts, même les plus essentiels. Et comme les effets de ce recul s’avèrent plutôt bien vécus par les salariés – à court terme – il semble évident que la Direction ne voudra pas s’aventurer à inverser la trajectoire, pour ne pas risquer de troubler le nouvel ordre public. Et l’on entend ainsi évoqué le cas des managers intermédiaires, comme de nouveaux résistants au changement, qui ne supportent pas de voir disparaître « leurs prés carrés ».

Il est intéressant de voir les effets à long terme de ces modifications et de bien saisir les besoins primaires de ces managers. J’ai à l’esprit deux expériences dans deux secteurs qu’a priori tout oppose. Les deux entreprises concernées ont initié un chemin ambitieux et courageux de mutation de leur management pour donner plus d’autonomie à leurs collaborateurs et alléger le poids hiérarchique. L’engagement de la Direction est exemplaire. Les collaborateurs sont unanimes : l’autonomie et le degré d’écoute sont au plus fort. Dans l’une de ces entreprises cependant- une entreprise du secteur industriel – les anciens « Chefs de service » sont devenus « coordinateurs » et malheureusement le changement de statut a souvent été décrété par la Direction et la communication n’a pas été préparée. Par ailleurs ces coordinateurs se trouvent confrontés quotidiennement à des problématiques d’atteintes d’objectifs et telle est la mission qui leur est confiée : suivre le TRS (taux de rendement synthétique). Cependant ces mêmes coordinateurs assistent à des difficultés relationnelles au sein des équipes – qu’ils remontent à leurs managers, moins proches du terrain et incapables de réagir sur le champ – ou bien à des écarts dans le port des EPI (Equipements de Protection Individuelle) : évènements contre lesquels ils ne peuvent rien n’ayant ni le pouvoir disciplinaire, ni le désir de passer pour « le rapporteur ». Leur mission c’est l’objectif et non l’homme. Dans ces équipes, le coordinateur se trouve régulièrement en difficulté avec des ouvriers qui passent « au-dessus » de lui pour aller directement s’adresser au manager – lui-même débordé. Quant aux collaborateurs une situation d’injustice est vécue par certains d’entre eux : parce que les plus forts occupent le terrain, parce que les conflits ou les manquements non résolus ou résolus trop tard s’accumulent, etc.

Or cette situation, vous la retrouvez à l’identique dans une société d’informatique avec une population de jeunes développeurs. Dans cette équipe aucune personne n’a officiellement occupé le statut de manager, mais la nature ayant horreur du vide, les clans se sont formés, des conflits plus ou moins larvés sont nés, des règles ont même été réclamées, au point de mettre en péril toute personne se trouvant en situation de « leader ».

Ces quelques exemples nous montrent combien les nouvelles expériences managériales sont un chemin ; et avant tout un chemin d’humilité, semé d’échecs et d’embuches. Alors quelle question se poser quand les premières illusions de réussite s’envolent ? Quand les coordinateurs ou les leaders frôlent le burn out ou la démission ? Quand les collaborateurs commencent à regarder en arrière, laissant entendre que c’était mieux avant ?

Il s’agit peut-être de se poser une simple question : puisque nous cherchons la réussite de notre entreprise par le bien-être de nos salariés, pourquoi ne pas instaurer une réflexion sur une nouvelle compétence managériale : « manager-pilote de la qualité de vie au travail » ? Quels sont les managers qui ne se montreraient pas créatifs si on leur donnait une vraie autorité et une compétence en la matière : sécurité, santé, intelligence émotionnelle, gestion de la relation humaine, communication. Autant de sujets qui ne relèvent plus seulement de la technique, mais bien de la compétence élémentaire du manager.

Alors quelles sont les entreprises prêtes à décoller sous la conduite de ces nouveaux managers ? Quelles sont les Directions prêtes à donner à ces managers les bons leviers de ce supersonique ?

Recommended Posts

No comment yet, add your voice below!


Add a Comment

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *